Nombreux sont celles et ceux qui nous disent avoir le cœur bousculé chaque fois qu’ils voient, sur la route, le cadavre écrasé d’un hérisson. Nous savons tous que les routes constituent un danger mortel pour nos petits mammifères. Combien de hérissons sont ainsi tués chaque année ? On n’en sait en réalité rien. On sait simplement que les collisions routières concernent plutôt les mâles1 qui réduisent les populations riveraines de hérissons d’environ 1/32. Mais cela n’apporte pas d’information sur cette mortalité routière.
Certaines personnes nous disent voir beaucoup moins de cadavres aujourd’hui qu’autrefois : sur quoi se basent il ? Les conducteurs d’aujourd’hui seraient-ils plus attentifs ? Les hérissons seraient-ils plus prudents ou bien seraient-ils tout simplement moins nombreux sur notre territoire ? Les véhicules circulants aujourd’hui sont plus nombreux, plus rapides et plus sûrs, ce qui par déduction pourrait augmenter le danger pour les hérissons. Mais c’est probablement d’abord chez le hérisson lui-même qu’on trouvera l’explication.
Lorsqu’il se sent un danger, le hérisson se met en boule et ne bouge plus ; il est alors facile à éviter. Encore faut-il être attentif et rouler à une vitesse raisonnable. En fait, il n’a manifestement pas appris à traverser une route. En fait, cela ne lui servirait pas à grand-chose car sa vue ne va pas si loin et son oreille pas assez fine. Les capacités sensorielles du hérisson ne lui permettent probablement pas d’éviter le « risque voiture ».
Il pourrait aussi rester chez lui. Mais, il lui faut trouver le partenaire avec qui s’accoupler. A la sortie d’hibernation, les adultes se déplacent beaucoup, surtout d’ailleurs les mâles car les femelles sont plus casanières ; ces déplacements sont nécessaires pour le brassage génétique. Seuls les gros rails de sécurité bétonnés peuvent l’empêcher de traverser ; mais, ils isolent des groupes de hérissons, et donc favorisent les accouplements consanguins qui affaiblissent les effectifs².
N’avoir pas vu un cadavre de hérisson sur une route ne signifie pas forcément qu’aucun hérisson se soit fait écraser. Il existe de nombreux charognards (tels les corbeaux et corneilles par exemple) qui l’éliminent rapidement. Reste qu’il est probable que le faible nombre d’écrasements routiers traduise la faiblesse numérique des populations de hérissons. Mais on ne dispose pas encore, pour la France, d’une étude solide qui le démontre. C’est l’importance du recensement conduit par FNE.
Une première conclusion s’impose donc aux humains que nous sommes : adaptons notre conduite pour éviter d’écraser les hérissons que nos voitures rencontrent. En effet, réduire de 10, voire 20 km/h, sa vitesse, notamment de nuit, épargnerait de nombreuses espèces, dont le hérisson.
La seconde concerne l’amélioration des connaissances sur la mortalité routière du hérisson : c’est un des objectifs de l’Opération hérisson. Un hérisson écrasé est un indice de présence de l’espèce : cela montre qu’il existe des individus pas loin. Le rayon d’action d’un hérisson mâle ne dépasse pas quelques km, celui d’une femelle quelques centaines de mètres. Il est donc important que tous les hérissons vus soient signalés, y compris quand ils sont morts afin d’identifier les zones particulièrement accidentogènes.
A partir de vos signalements, il est possible d’étudier l’impact de la mortalité routière sur les populations et ainsi d’estimer les conséquences sur la santé des populations de cette espèce. De plus, en exploitant ces données on peut déterminer les zones les plus susceptibles d’occasionner des collisions routières. Des mesures préventives peuvent être mises en place : sensibilisation appuyée, panneaux de signalisation, ralentisseurs…
Le conseil du hérisson : il n’est pas simple de renseigner un individu mort lorsque l’on est au volant. Sachez que vous pouvez renseigner à posteriori, quand vous avez les mains libres, vos observations. Retenez bien le lieu, l’heure et la date et rendez-vous sur notre plateforme pour les signaler. Vivants ou morts, vos signalements sont essentiels pour améliorer les connaissances sur ce mammifère et ainsi mieux le protéger.
Gilles Benest
1- BERTHOUD G. -1980 – Le hérisson (Erinaeus europeus L.) et la route. Revue d’écologie (Terre Vie) 34 : 361-372.
2 – HUIJSER M.P. et BERGERS P.J.M. -2000- The effect of roads and traffic on hedgehog (Erinaceus europaeus) populations. Biological Conservation 95 :111-116.