Après un combat juridique de plus d’une décennie, le Tribunal Administratif de Besançon annule l’arrêté préfectoral autorisant la poursuite de l’exploitation de la carrière de Semondans ce 11 décembre 2024. L’association ADOCS, actrice incontournable dans cette bataille, salue ce jugement qui met officiellement en lumière le caractère illégal de ce chantier. Une bonne nouvelle pour le patrimoine et l’environnement de notre territoire Doubiens !
Un historique datant de 2009
La société SAS Maillard dépose en juillet 2009 une demande de création de carrière de roches massives calcaires au lieu-dit « La Craie » à Semondans. En novembre 2010, une enquête publique est ouverte à ce sujet. L’avis des citoyen·nes quant au projet est catégorique : 8 communes proches du site et près de 900 personnes s’y déclarent opposées. En juin 2014, la société Maillard dépose une demande de dérogation « espèces protégées » pour les habitats forestiers détruits par le projet.
L’Association des Opposants à la Carrière de Semondans (ADOCS) voit officiellement le jour le 1er février 2011. L’ADOCS a pour objet la défense des intérêts des riverains contre tout projet de carrière à ciel ouvert à Semondans.
En 2011, la Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement (DREAL) de Franche-Comté considère que le projet n’est pas viable car incompatible avec le schéma départemental des carrières. La possibilité d’extraire les matériaux du site, aptes à remplacer les sables alluvionnaires dans la fabrication des bétons, n’est pas démontrée. Cependant, la DREAL change d’avis en 2012, suite à une modification du projet du carrier et du potentiel d’approfondissement du site.
En 2014, puis en 2017, le préfet du Doubs délivre à la société Maillard une dérogation à l’interdiction de détruire les espèces protégées présentes sur le site. En 2015, le préfet du Doubs autorise l’exploitation de cette carrière.
En 2016, alors que la dérogation “espèces protégées” est en attente de jugement, le carrier déboise 4,5 hectares de forêt et en 2018, il en décape la surface végétale, alors que la seconde dérogation “espèces protégées” est aussi en attente de jugement. L’exploitation débute mi 2019, juste 2 mois avant l’annulation de cette seconde dérogation espèces protégées.
Un projet accompagné de nombreuses illégalités
Le projet de carrière sera marqué de nombreuses nuisances inutiles et d’illégalités durant ces 14 ans de combat environnemental. Tout d’abord, les riverain·es prennent connaissance du projet lorsque l’enquête publique est ouverte en novembre 2010. Les opposants à la carrière mettent alors en avant l’absence de justification en matière de besoin local en granulat calcaire. En effet, 9 carrières du canton assurent déjà cette production depuis 25 ans. De plus, le projet ne permet pas la création d’emploi local et n’a pas de retombées favorables sur le développement des communes environnantes.
Au-delà de ces arguments, les citoyen·nes mettent en avant les multiples nuisances associées à la carrière, entre autres : trafic de poids lourds, bruits et vibrations, destruction de l’environnement (faune et flore), dégradation du cadre de vie et du patrimoine local… Les risques liés à la présence d’un gazoduc (sous l’entrée de la carrière) et d’un tunnel (où passe le TGV Rhin Rhône) sont également invoqués. De plus, la possibilité d’extraire les granulats calcaires en accord avec le schéma départemental des carrières n’est pas démontrée.
Enfin, en 2017 la société Maillard dépose un « porter à connaissance » de dépôt de déchets. L’association ADOCS dénonce alors ce dépôt prétendu inerte auto-contrôlé par le carrier lui-même.
Sur les 36 articles prescripteurs de l’arrêté préfectoral d’autorisation d’exploitation datant de 2015, l’association ADOCS estime que la majorité serait partiellement ou totalement non respectée par le carrier dont de nombreuses infractions telles que la clôture illégale de 4 ha de forêt ou la destruction du patrimoine archéologique potentiel du milieu.
Une avancée dans la bataille juridique
Des recours gracieux, puis contentieux, sont déposés par l’association ADOCS en 2014 contre la première dérogations « espèces protégées », puis en 2017 contre la seconde : le préfet du Doubs les refuse, mais pas le Tribunal Administratif, qui annule les deux dérogations en 2017, puis mi 2019. La société Maillard doit régulariser sa situation, ce que confirme le conseil d’État en 2021.
En 2022, le préfet du Doubs tente de régulariser la carrière de Semondans en autorisant l’exploitation sur une durée réduite (6 ans) et la surface diminuée de moitié, en maintenant les compensations environnementales initiales, mais ce nouveau projet redevient alors incompatible avec le schéma départemental des carrières : pour cette raison, le Tribunal Administratif de Besançon a donc annulé cette dernière autorisation du carrier, qui ne dispose plus d’aucun titre permettant la poursuite de l’exploitation illégale.
Cependant, l’annulation de cet arrêté n’exclut pas la responsabilité de la société Maillard du respect des prescriptions complémentaires de cet arrêté, notamment les mesures de compensation initialement prévues et les conditions de remises en état suite à la destruction du milieu et de ses espèces protégées.
L’association ADOCS restera attentive à l’application du jugement, ainsi qu’à toute éventuelle nouvelle tentative de prélèvement massif et irréversible de nos ressources naturelles.
Les résultats de 14 ans d’efforts collectifs
Côté retombées juridiques, cette lutte locale a permis de confirmer l’importance de la justification d’un projet de carrière, tant vis-à-vis des atteintes à l’environnement (dérogation espèces protégées) que des besoins locaux. Nul doute que ces jurisprudences pourront se révéler utiles face à d’autres projets injustifiés.
Côté valeurs morales, l’ADOCS espère que la conclusion de ce long combat encouragera les porteurs de projets litigieux à la prudence et dissuadera certains d’entre eux de mettre les citoyen·nes, les associations et l’État devant le fait accompli.
FNE Doubs salue l’engagement et la persévérance de son association membre, l’ADOCS, ainsi que ceux des riverain·es et des élu·es mobilisé·es au cours de ces 14 années afin d’empêcher et d’annuler ce projet privé inutile et destructeur. Un grand merci pour votre profonde et solide volonté de protéger le patrimoine et l’environnement de notre département. Une victoire juridique qui met en lumière que l’effort collectif porte ses fruits. Une bonne nouvelle pour la nature !
Pour lire le communiqué de presse de l’ADOCS : Association Des Opposants à la Carrière de Semondans (ADOCS): Plus aucune autorisation pour exploiter la carrière de Semondans
Les réactions des médias :
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